
L’ours cantabrique (Ursus arctos arctos)
DIFFICULTE : Assez difficile
EFFECTIF : 370 (2023) d’après des techniques génomiques.
DISTANCE DE FUITE : Parfois nulle chez les adultes, en particulier les mâles. Très variable selon les circonstances et les individus.
L’ours cantabrique est l’ours qui vit au Nord-Ouest de l’Espagne. Sa population actuelle déborde largement de la province espagnole qui lui donne son nom : la Cantabrie.
Photo : Jeune mâle
Ce jeune mâle de deux ans est inquiet. Il est à 50 m de moi. Nous allons nous observer 5 minutes. Il renifle, observe… Je ne bouge pas. Il va finalement partir en courant.
Somiedo ; Espagne (juillet 2024).

L’ours cantabrique est :
– le seul ours d’Europe de l’Ouest dont la génétique n’a pas été modifiée par des réintroductions.
– l’ours avec les effectifs les plus importants en Europe de l’Ouest, loin devant ceux des Pyrénées (70) et ceux d’Italie (50 à 60).
– l’ours européen dont l’habitat est le moins boisé (35%) et donc l’ours européen le plus repérable pour un observateur.
– l’ours brun avec le plus petit territoire : 130 km2 pour les mâles et 60 pour les femelles.
– le seul ours a avoir une alimentation à la fois méditerranéenne (châtaignes…) et boréale (myrtilles…).
Au total, c’est l’ours brun le moins difficile à observer.
Photo : Hyperphagie
Le mois de juillet n’est pas très favorable pour voir les ours. Ils sont déjà en phase d’hyperphagie mais il n’y a pas grand chose de très nourrissant en début d’été. Ce jeune ours mangent surtout les apiacées (ombellifères). Les grandes fleurs blanches sur la photographie.
Somiedo ; Espagne (juillet 2024).

OU ?
Le parc naturel de Somiedo est le meilleur endroit pour observer l’ours cantabrique.
Ce parc a la particularité de juxtaposer de très nombreux habitats. Cette diversité permettent aux ours de profiter de ressources alimentaires en toutes saisons. C’est le coeur de la population occidentale de l’ours cantabrique (250 ours). A proximité, les parcs de Fuentes del Narcea et de Degana e Ibias sont aussi de bons secteurs.
Le noyau oriental (120 ours) est plus fragile. Les études ont montré une diversité des ressources alimentaires moins élevée. Les deux noyaux sont connectés au moins depuis 2008 et il y a aujourd’hui une continuité de la distribution de cet ours. Les effectifs augmentent.
L’ours cantabrique vit en montagne jusqu’à 2 648 m. La forêt n’atteint que 1700 m dans le massif et elle ne constitue qu’un tiers de l’habitat.
L’habitat idéal présente :
– une diversité de paysages : les hêtraies ou chênaies situées entre 1 100 et 1 400 m constituent l’habitat le plus important de la mosaïque.
– des zones de tranquillité / sécurité : les vallées encaissées avec des zones rocheuses difficiles d’accès pour l’homme sont idéales.
Photo : Jeune ours
C’est généralement de très loin qu’on observe l’ours. L’observateur est sur un versant pentu et cherche l’ours sur le versant opposé, avec une longue vue.

A l’échelle du parc de Somiedo, l’ours est potentiellement présent partout mais il évite :
– les zones peuplées (villages en gris sur la carte)
– les prairies de fauche où il n’y a rien a manger (zone en vert).
Les secteurs les plus favorables sont les zones de transition entre forêts (en jaune) et haute montagne (en marron).
Les chemins de randonnée du parc correspondent, pour l’essentiel, à d’anciennes pistes utilisées par les agriculteurs. Ils traversent donc surtout des espaces agricoles (zone en vert). Par conséquent, ils sont peu favorables à la rencontre avec des ours. Inutile en particulier de parcourir le n°3 ou le n°6. Par contre, si vous ne craigniez pas de sortir des sentiers balisés, rien n’interdit de rejoindre des vallées favorables (vallées au Sud du n°5 ; vallée au delà de Sousas sur le n°7).
Le territoire parcouru par un ours dépend des disponibilités alimentaires. Du coup, il faudra chercher l’ours dans des milieux différents selon les mois de l’année. Aussi, les belvédères aménagés pour les voir ne présentent pas un intérêt à toutes les saisons. C’est pourtant à ces belvédères qu’il faut se rendre en premier afin de mieux connaître le terrain et pour rencontrer d’autres passionnés qui auront peut-être des informations fraiches.

Voici les 3 panoramas les plus favorables :
– le mirador de Gua (photo ci-contre) : c’est celui qui conviendra le mieux aux photographes même si on n’est déjà très loin des ours.
Photo : Mirador de Gua et son panorama. Noter le brouillard… en juillet.
– le mirador du Principe à la Peral : c’est celui qui offre le panorama le plus étendu. C’est peut-être aussi celui qui donne le plus de chance de voir l’ours… mais de très très loin. La longue vue est indispensable ici encore plus qu’ailleurs.
Photo ci-dessous à gauche : La Peral vu du chemin n°5.
– les points de vue depuis la route du Rio Saliencia : la partie Est de cette route, jusqu’au lac de Saliencia permet d’observer le versant d’en face avec la limite de la forêt et des prairies d’altitude humides.
Photo ci-dessous à droite : l’extrême Est de la vallée de Saliencia avec le paysage pentu et souvent rocheux favorable à l’observation.



QUAND ?
Potentiellement, on peut voir l’ours cantabrique toute l’année. Certains individus restent actifs même en hiver, en particulier les années où les disponibilités alimentaires sont faibles.
Cependant, les conditions d’observations varient énormément :
– Janvier à mars (très défavorable) :
Les conditions climatiques sont difficiles et c’est le coeur de la période d’hivernage qui dure en moyenne de 55 à 100 jours. L’ours cantabrique dort alors généralement dans une petite cavité naturelle (2 à 4.5 m de long). Parfois, mais plus rarement, il s’agit d’une tanière creusée. L’ours cantabrique n’a jamais été observé en train d’hiverner dans un tronc creux contrairement à d’autres populations. Les cavités peuvent se trouver à n’importe quelle altitude et avec n’importe quelle orientation. L’ours perd de 250 à 500g / jour. Il peut perdre jusqu’à 43% de sa masse corporelle de fin d’automne. C’est au début de cette période que les femelles mettent bas. Elles ont en moyenne 2 oursons (2.26 en moyenne pour les populations de l’ouest et 1.79 pour les populations de l’est).
– Fin avril à mai (favorable) :
C’est la sortie d’hibernation des adultes, souvent en avril mais parfois seulement début mai pour les femelles gravides. Les ours sont souvent en prairie. Les oursons explorent les environs de la tanière, puis les autour de le femelle. En mai et début juin, le rut est une période de forte activité ; la meilleure pour observer des comportements non liés à l’alimentation. Ils parcourent de grandes distances. Les mâles suivent les femelles et ils forment un couple pendant deux semaines. L’activité sexuelle est plus importante lors des journées nuageuses et dans les zones de taillis (certaines zones de reproduction sont utilisées chaque année).
Le printemps correspond à la phase d’hypophagie. Les ours s’alimentent peu. Ils se nourrissent alors essentiellement d’herbacés.

– Mi-juin à mi-août (peu favorable) :
Le climat est agréable mais les ours sont difficiles à trouver notamment parce qu’ils dorment pendant les heures chaudes; Matin et soir, ils se nourrissent surtout de grandes ombellifères et sont généralement sur les versants ubacs humides.
– Fin août à mi-octobre (favorable) :
La météo est encore agréable et les ours sont au coeur de la phase d’hyperphagie. Ils passent donc leur temps à s’alimenter et il faut les chercher dans les secteurs à nerpruns, à myrtilles et à noisettes. Glands et myrtilles sont les deux aliments les plus importants en proportion. C’est la meilleure période pour les observer longtemps… mais toujours en train de manger ! Les ours s’aventurent aussi dans les vergers (surtout les nuits) pour profiter des pommes, des noix…
– Mi octobre à fin décembre (défavorable) :
Les ours sont encore dans la phase d’hyperphagie, donc très actifs, mais l’ambiance a changé : la météo est désagréable avec de fortes précipitations et les ours se nourrissent beaucoup plus en forêt. Ils sont donc beaucoup moins visibles.
Finalement, les meilleurs moments pour observer l’ours cantabrique sont :
– Mai : pour observer la diversité des comportements. Parfait pour les éthologues.
– Septembre : pour observer longtemps. Parfait pour les photographes.

COMMENT ?
1 – Etre patient : il faut consacrer une semaine à l’ours cantabrique si on aime la photographie et au minimum 3 jours si on vient juste pour tenter de le voir. J’ai observé mon premier après 1.5 jours mais de bons naturalistes n’y sont pas parvenus en 5 jours…
2 – Venir équipé : il faut votre meilleur matériel optique (longue vue, zoom, jumelles) et des vêtements adaptés à la saison en montagne. Si vous venez pour faire de la photographie, prenez aussi de bonnes chaussures de marche, un pantalon, et du matériel pour dormir dehors (tapis de sol et duvet). Il est interdit de bivouaquer en Espagne mais pas de dormir à la belle étoile… alors, si la météo s’y prête…
Photo : Boire : de l’eau ruisselle le long de la paroi rocheuse. Cet ours repassait régulièrement par ici pour se désaltérer.

3 – Commencer par le Centre d’Information de Pola de Somiedo : normalement, on vous donnera une carte et on vous indiquera où des ours ont été vus la semaine de votre arrivée.
4 – Suivre les conseils du Centre d’Information ou rejoindre le mirador de Gua : au mirador, on prend le temps de chercher (compter environ une heure).
– Inspecter toute la zone avec les jumelles. Il faut renouveller l’exercice régulièrement (sauf en milieu de journée chaude) car l’ours circule beaucoup.
– Ecouter attentivement : des cris de corvidés (les geais surtout) ou une pierre qui débaroule (les ours les soulèvent pour chercher des aliments) peuvent indiquer la présence de l’animal encore caché.
Photo : Déplacements
Cet ours circule sur le flanc de la montagne. Il disparait dans un bosquet un quart d’heure puis est bien visible en prairie un quart d’heure, puis disparaît à nouveau derrière un buisson où il va se reposer deux heures…

5 – Suivre la même démarche avec le belvédère de la Peral et la haute vallée de Saliencia : la recherche est plus longue encore sur ces deux sites d’observation. Il ne faut pas s’y rendre si les nuages sont très bas en altitude. Vous seriez dans le brouillard.
6 – Randonner pour rejoindre des vallées isolées escarpées : si vous êtes photographes, cette option vous permettra de trouver des vallées plus resserrées, non fréquentées… et de dormir sur place. Suivre la limite de l’arbre est une possibilité pertinente. Rejoindre des zones avec les arbres nourriciers à la bonne période l’est encore plus :
– juillet => cerisiers.
– août => myrtillers.
– septembre => myrilliers, noisetiers, nerpruns.
– octobre => nerpruns, chênes.
On peut, au passage, repérer des indices de présence : crottes (photo ci-contre) ; empreintes… mais ces indices sont difficiles à exploiter.
7 – Profiter calmement : selon la situation, l’âge de l’animal, son expérience avec les hommes, l’ours peut vous ignorer ou fuir plus ou moins rapidement. Dans l’ensemble, il vaut mieux bien se montrer, ne pas bouger brusquement, faire mine de l’ignorer. Si c’est possible, on le laisse approcher. Si ce n’est pas le cas, on en profite de loin aussi longtemps que possible.
Un guide de terrain expérimenté prétend que l’ours ressent nos intentions. Il se laissera approcher s’il sent l’observateur pacifique…
