
Gypaète barbu (Gypaetus barbatus)
DIFFICULTE: Assez difficile.
C’est plutôt facile de voir sa silhouette de loin et de le reconnaître, dans les jumelles. Mais c’est assez difficile de l’observer dans de bonnes conditions.
DISTANCE DE FUITE: elle est très élevée si l’animal est au sol mais on peut le voir planer à 100 m sans qu’il semble perturbé.
EFFECTIFS: on ne connait pas les effectifs mondiaux, les comptages étant très difficiles en Asie où il est répandu et non menacé.
En 2019, on compte:
Espagne: 132 couples
France: 66 couples
Crête: 7 couples
Le gypaète barbu est un oiseau remarquable:
-c’est le plus grand rapace d’Europe après le vautour moine.
-c’est le plus rare des rapaces charognards d’Europe.
Il avait très mauvaise réputation jusqu’au milieu du XXe siècle pour 2 raisons:
–c’est un nécrophage: le gypaète barbu est le dernier charognard de la chaine. Il se nourrit essentiellement d’os et est totalement adapté à cette alimentation (il peut avaler des os de 40 cm; ses sucs digestifs digèrent les os; il sait les lâcher sur des zones rocheuses pour les briser).
–il est associé au diable: sa barbe noire, son oeil cerclé de rouge, son ventre roux comme s’il était encore taché de sang… Il lui arrive de se baigner dans des eaux ferrugineuses…
Persécuté, il a disparu des Alpes dans les années 1930. Il est victime:
-des chasses: on lui tire dessus et les grands ongulés se raréfient.
-de la strychnine: cet alcaloïde est utilisé pour empoisonner des carcasses.


Photo 1 à 5: Gypaète barbu en vol plané
Col d’Encrenaz; Massif du Bargy; Haute-Savoie; France (26.10.2021).
Ce matin là, les nuages gagnaient la partie pendant que je grimpais en direction du col d’Encrenaz par la face ouest. Au débouché de la forêt, deux gypaètes circulent sur la partie basse des falaises calcaires. Je suis trop loin. Les oiseaux finissent par quitter les lieux en direction du Sud. Je continue de monter puis je prépare mon appareil photo au cas où les gypaètes repassent. Je désespère. Je suis finalement tout près du col quand le Soleil se montre et qu’un oiseau longe la falaise dans ma direction. Il ne fera qu’un seul passage, presque à ma hauteur… mes plus belles photos.
Le gypaète a également disparu de Roumanie, de Bulgarie et il est tout proche de l’extinction dans de nombreux autres pays.
L’histoire de sa réintroduction dans les Alpes est riche d’enseignement:
Années 1970: 4 oiseaux originaire d’Afghanistan sont lâchés. Une partie d’entre-eux meurent sous des coups de fusils. Les naturalistes comprennent qu’il faut d’abord sensibiliser les populations.
Années 1980: un programme européen, à partir d’oiseaux captifs, prévoit de relâcher 8 gypaètes chaque année. Le premier lâché, en 1986, soulève d’autres difficultés: deux oiseaux sont morts en percutant des fils électriques.
Années 1990: le programme commence à porter ses fruits.
2019: on atteint 46 couples en 2019 dans les Alpes.
OU?
L’habitat du gypaète barbu est lié à trois éléments fondamentaux:
1: des reliefs abrupts: ils augmentent les zones d’ascendance thermique pour planer et ils offrent des corniches pour nidifier. Les grands massifs calcaires sont donc particulièrement favorables.
2: de fortes densités de grands ongulés: bouquetins, chamois, isards, mouflons et moutons, constituent la base de l’alimentation du gypaète.
3: des zones ouvertes avec du rocher: ces zones permettent la recherche de nourriture et la possibilité de casser les os.
L’altitude n’est pas un critère pour le rechercher:
Il y avait des gypaètes sur les rives de la mer morte (-430 m) et il a été vu sur les contreforts de l’Himalaya vers 8 000 m.
En Europe, les aires connues s’échelonnent à des altitudes qui vont de 300 m en Crête à 2 600 m dans les Alpes.

Finalement, le gypaète est présent sur 3 continents:
-en Asie: il est présent de la Turquie à la Chine et la Mongolie. Ce sont les effectifs les plus importants mais les massifs montagneux le rendent difficile à observer. C’est au nord de l’Inde qu’il est le plus souvent signalé sur ce continent.
-en Afrique: la population est très morcelé. Le noyau le plus important est centré sur l’Ethiopie et le Kenya mais il est ponctuellement présent dans toute l’Afrique de l’Est de l’Egypte (Sinaï) au nord de la Tanzanie. On trouve également quelques couples sur l’Atlas (Maroc) et le Drakensberg (Lesotho, Afrique du Sud). Quoi qu’il en soit, il est rarement observé en Afrique.
-en Europe: la population est très morcelé mais les les sites sont plus faciles d’accès. Aussi, la France et l’Autriche sont les deux pays où il est le plus souvent observé. L’Espagne vient en 3e position.
Les effectifs sont les suivants (comptage de 2019):
1: Pyrénées: 172 couples dont 43 en France.
2: Alpes: 46 couples dont 18 en France.
3: Crête: 7 couples.
4: Corse: 5 couples.
5: Andalousie: 3 couples
Le gypaète barbu est sédentaire. Le couple choisit une zone pour nicher. Dans cette zone (d’au maximum 2 km de rayon), il possède plusieurs aires et il les utilise par rotation. Les sites indiqués ci-dessous n’indiquent donc pas la position précise des aires parce qu’elles changent, parce que le gypaète ne se reproduit pas chaque année et parce qu’il est très sensible au dérangement.

Dans les Pyrénées françaises:
-le col du Porteigt (875 m): au Sud-Ouest d’Arudy (Pyrénées-Atlantiques).
-le col du Prat du Rey (1215 m): au Sud-Ouest de Lourdes (Hautes Pyrénées).
-la falaise du Quié de Sinsat (Ariège).
-le col de Mantet (1761 m): à l’ouest du Canigou (Pyrénées orientales).
Dans les Alpes françaises:
-le col de la Colombière (1607 m): sur le versant sud de la chaine du Bargy (Haute-Savoie). Les annexes en bas de l’article présente le panneau d’information présenté sur tous les sentiers de la chaîne du Bargy et un zoom sur la carte.
-Persey-Nancroix, au Sud-Ouest de Bourg-Saint-Maurice (Savoie).
-Val-Cenis, au Sud du parc national de la Vanoise (Savoie).
En Corse:
-Aiguille de Bavella et de Punta Aracale (Corse du Sud).

QUAND?
C’est un oiseau sédentaire qui vit généralement en couple, souvent fidèles, mais parfois aussi en trio (2 mâles et une femelle). On peut donc l’observer toute l’année. C’est néanmoins très utile de bien connaître la phénologie de sa reproduction pour savoir ou regarder. Le cycle noté ci-dessous est le modèle classique mais il peut varier (un mois de moins ou un mois de plus; les oiseaux du sud ont un cycle plus précoce):
-octobre: c’est la période des parades nuptiales, du choix du site de nidification et de l’amélioration du nid avec des apports de branches, de laine. C’est la meilleure période pour voir les oiseaux en vol sans risquer de les déranger.
–novembre: c’est la période des accouplements, mais en altitude, il fait déjà très froid et la neige est parfois déjà là.
-janvier: c’est le coeur de la période de ponte. Mâle et femelle se relaient pour couver généralement deux oeufs (54 jours d’incubation). C’est le début de deux mois défavorable pour l’observation. Il fait froid. Il y a moins d’oiseaux en vol et on risque de déranger.
-mars: les petits naissent. Le plus vigoureux élimine le plus faible (caïnisme).
-juillet: Le jeune s’exerce et finit par prendre son envol. C’est, avec le mois de juin, le meilleur moment pour observer les oiseaux sur l’aire. Il faut alors être équipé d’une longue vue et avoir repérer l’aire (traces de fiente; aller-retour d’oiseau en vol).
Photo 6: En vol battu
GR10; Pas de l’Osque; Pyrénées-Atlantique; France (08.08.2010).
On voit bien la queue, en forme de losange, caractéristique.

